THEODORE DE BRY LES GRANDS VOYAGES (1590-1634), LIVRE II, 1591
Gravures de Théodore de Bry d’après la Brève narration de Floride par Lemoyne de Morgue
Planches V, VIII et XV.
Montpellier, médiathèque Emile Zola.
Disciple de Dürer et originaire de Liège, réfugié à Francfort en 1560 devant les persécutions anti-huguenotes, Théodore de Bry (1528-1598) y fonda le célèbre atelier de graveur que ses fils (Jean-Théodore et Jean-Israël) reprendront après sa mort. C’est dans ce lieu que seront réalisés, entre 1591 et 1634, les Grands voyages. Aussi appelée Histoire de l’Amérique ou Nouveau monde, cette collection (initialement en latin et en allemand) de 13 volumes consacrée à la conquête du continent reprenait les textes célèbres de chroniqueurs ou de voyageurs ayant réellement posé le pied sur le sol américain. Illustrée de près de 300 gravures, cette impressionnante somme est d’abord une vision européenne du Nouveau monde dans un contexte de rivalités coloniales et religieuses. Elle est de ce fait, notamment pour les volumes 4, 5 et 6 (consacrés aux conquêtes espagnoles), un violent réquisitoire contre l’action coloniale et évangélisatrice de l’Espagne. Ces images peuvent être considérées comme la source iconographique de la Légende noire anti-espagnole, aujourd’hui encore bien vivante.
Les trois présentes gravures sont issues du volume 2, réalisé en 1591, consacré à la tentative de colonisation de la Floride par les Français. Une quarantaine de gravures illustrent ainsi La Brève narration de Floride de Le Moyne de Morgues.
C’est en 1564 que le peintre et cartographe Jacques Le Moyne de Morgue (1533-1588) se joint à la seconde expédition de René de Laudonnière, gentilhomme huguenot qui, depuis 1562, tentait de créer une installation française dans l’actuelle Floride. Le Moyne ne restera sur place que quelques mois, échappant de justesse, avec Laudonnière, à l’attaque espagnole qui, en septembre 1565, détruisit complètement et définitivement la colonie française.
Le Moyne ayant perdu presque tous ses dessins durant sa fuite, il est aujourd’hui difficile d’attribuer une réelle paternité aux gravures de la Brève narration. Il est plus que probable que celles-là aient été réalisées par De Bry à partir d’informations apportées par Le Moyne. Ces images sont donc, avec celles de l’Anglais John White, les plus anciennes représentations de Floridiens (plus particulièrement des Timucuas).
Bien que fort classiques dans la stylistique (canons maniéristes, finesse des détails permis par la gravure sur cuivre et en en taille douce) ces dessins n’en sont pas moins d’une grande précision. Cette justesse ethnographique est notable pour les scènes de la vie quotidienne, de combats et de rituels (souvent sanglants), Notons enfin les coiffes « en chignon » ; elles auront plus tard un grand succès dans les représentations d’Indiens d’Amérique du nord.
Trois gravures du volume 2 ont été ici choisies :
– Planche V [vue 09a] : Les Français arrivent à l’embouchure d’un fleuve qu’ils baptisent Portus Regalis. Notons les représentations plutôt fidèles des plantes (cucurbitacées, vignes) et des animaux, notamment les dindons en bas à droite, probablement la plus ancienne représentation de ce volatile.
– Planche VIII [vue 09b] : Les Indiens vénèrent la colonne de Ribault, ornée des fleurs de lys, et dressée deux ans plus tôt sur les rives de la rivière Saint-Jean (près de l’actuelle Jacksonville). Le chef Atore la montre à Laudonnière. Parmi les fruits placés en offrande, des épis de maïs liés en botte peuvent être distingués : certainement l’une des plus anciennes représentations du « blé d’Inde ».
– Planche XV [vue 09c] : « Comment les Indiens traitent les corps de leurs ennemis ». La gravure illustre ici deux actions fort violentes destinées à marquer l’esprit du lecteur. La première est une scène de cannibalisme, que l’on pourrait qualifier de traditionnelle, tant les images y faisant référence étaient déjà répandues. La seconde (à droite) est en revanche une « nouveauté » iconographique : une scène de scalp, certainement l’une des premières représentées en gravure. Elles connaîtront par la suite un grand succès.
Disciple de Dürer et originaire de Liège, réfugié à Francfort en 1560 devant les persécutions anti-huguenotes, Théodore de Bry (1528-1598) y fonda le célèbre atelier de graveur que ses fils (Jean-Théodore et Jean-Israël) reprendront après sa mort. C’est dans ce lieu que seront réalisés, entre 1591 et 1634, les Grands voyages. Aussi appelée Histoire de l’Amérique ou Nouveau monde, cette collection (initialement en latin et en allemand) de 13 volumes consacrée à la conquête du continent reprenait les textes célèbres de chroniqueurs ou de voyageurs ayant réellement posé le pied sur le sol américain. Illustrée de près de 300 gravures, cette impressionnante somme est d’abord une vision européenne du Nouveau monde dans un contexte de rivalités coloniales et religieuses. Elle est de ce fait, notamment pour les volumes 4, 5 et 6 (consacrés aux conquêtes espagnoles), un violent réquisitoire contre l’action coloniale et évangélisatrice de l’Espagne. Ces images peuvent être considérées comme la source iconographique de la Légende noire anti-espagnole, aujourd’hui encore bien vivante.
Les trois présentes gravures sont issues du volume 2, réalisé en 1591, consacré à la tentative de colonisation de la Floride par les Français. Une quarantaine de gravures illustrent ainsi La Brève narration de Floride de Le Moyne de Morgues.
C’est en 1564 que le peintre et cartographe Jacques Le Moyne de Morgue (1533-1588) se joint à la seconde expédition de René de Laudonnière, gentilhomme huguenot qui, depuis 1562, tentait de créer une installation française dans l’actuelle Floride. Le Moyne ne restera sur place que quelques mois, échappant de justesse, avec Laudonnière, à l’attaque espagnole qui, en septembre 1565, détruisit complètement et définitivement la colonie française.
Le Moyne ayant perdu presque tous ses dessins durant sa fuite, il est aujourd’hui difficile d’attribuer une réelle paternité aux gravures de la Brève narration. Il est plus que probable que celles-là aient été réalisées par De Bry à partir d’informations apportées par Le Moyne. Ces images sont donc, avec celles de l’Anglais John White, les plus anciennes représentations de Floridiens (plus particulièrement des Timucuas).
Bien que fort classiques dans la stylistique (canons maniéristes, finesse des détails permis par la gravure sur cuivre et en en taille douce) ces dessins n’en sont pas moins d’une grande précision. Cette justesse ethnographique est notable pour les scènes de la vie quotidienne, de combats et de rituels (souvent sanglants), Notons enfin les coiffes « en chignon » ; elles auront plus tard un grand succès dans les représentations d’Indiens d’Amérique du nord.
Trois gravures du volume 2 ont été ici choisies :
– Planche V [vue 09a] : Les Français arrivent à l’embouchure d’un fleuve qu’ils baptisent Portus Regalis. Notons les représentations plutôt fidèles des plantes (cucurbitacées, vignes) et des animaux, notamment les dindons en bas à droite, probablement la plus ancienne représentation de ce volatile.
– Planche VIII [vue 09b] : Les Indiens vénèrent la colonne de Ribault, ornée des fleurs de lys, et dressée deux ans plus tôt sur les rives de la rivière Saint-Jean (près de l’actuelle Jacksonville). Le chef Atore la montre à Laudonnière. Parmi les fruits placés en offrande, des épis de maïs liés en botte peuvent être distingués : certainement l’une des plus anciennes représentations du « blé d’Inde ».
– Planche XV [vue 09c] : « Comment les Indiens traitent les corps de leurs ennemis ». La gravure illustre ici deux actions fort violentes destinées à marquer l’esprit du lecteur. La première est une scène de cannibalisme, que l’on pourrait qualifier de traditionnelle, tant les images y faisant référence étaient déjà répandues. La seconde (à droite) est en revanche une « nouveauté » iconographique : une scène de scalp, certainement l’une des premières représentées en gravure. Elles connaîtront par la suite un grand succès.